La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 25 août 2010











Land art : une histoire parmi tant d'autres
...





Dimanche matin. Le temps est maussade, le plafond des nuages et bas, le vent d'ouest fait craindre des ondées. Il fait 16 degrés, ce qui n'est nullement exagéré pour un mois août. Je prends la route et vais compléter la cueillette de baies nécessaires à des installations flottantes.
Je me dirige sur le plateau qui domine ma ville et retrouve facilement le petit étang où je désire travailler. Pas très grand, pas très profond, avec des berges garnies de lantes aquatiques et, cette année, une étendue de nénuphars et fleurs. Je m'habille en conséquence, short, t shirt et sandales en plastique. Petite précaution, je laisse mon sac à dos au sec et commence à descendre avec précaution dans une eau noire, peu engageante. Les berges sont glissantes et il faut y aller doucement. L'eau est assez froide et je vais y travailler pendant deux heures. Ce n'est pas très confortable . Je fabrique un petit radeau de fortune avec des morceaux de bois oubliés par des pêcheurs . Il va me servir de table flottante pour y disposer les sacs de cueillette.
Je suis au beau milieu des nénuphars. Le spectacle est si étonnant que je reste là, pendant quelques minutes à profiter de ce point de vue original. J'entends la voix d'un homme qui donne des ordres à son chien, de façon brutale. Le charme se rompt. Je me souvient du berger allemand, la morsure violente à la face, mon évacuation à l'hopital, les urgence. Tout défile dans ma tête. Et si le chien descendait dans l'eau. Les aboiements s'éloignent, je n'entends plus ni le chien ni la voix de l'homme. Je reprends mon calme et contemple à nouveau les nénuphars. Je vais tout d'abord travailler autour d'une de ces superbes fleurs. Puis je vais décliner les installations que je veux, légères, colorées et flottantes. Ce matin, Marie-Claude a retrouvé des coquilles d'oursins que nous avions préparés, grattés, lavés et fait bouillir pour en faire de petits objets de décoration. Nous avons cela depuis plus e 10 ans à la maison et elle me les donne :"pour le land-art". Je les utilise ici, comme une liaison avec la mer qui après tout, n'est qu'à un vol d'oiseau de cet étang. J'ai froid. Le soleil a fait quelques timides apparitions avant de disparaitre définitivement sous les nuages. La luminosité est tout de même meilleure que ce matin. Je prépare, je coupe, j'installe et les baies rouges, m'échappent, roulent sur les feuilles tombent à l'eau, coulent, avant de revenir à la surface. Il faut du temps, beaucoup de temps avant de réussir quelque chose car le milieu est très instable. Heureusement, j'ai une patience à toutes épreuves lorsque je pratique le land art, moins, dans la vie courante. Il est temps de prendre quelques photos. Je remonte sur la berge et ressens le froid du petit vent d'ouest, toujours présent. Je sors mon appareil photo du sac à dos. Je le règle, le mets en bandoulière sur le dos et descend une dernière fois dans cette eau noire et froide. Glisser et tomber ici et je pourrai dire adieu au matériel. Je m'en tirerai, mais pas l'appareil ! Je me déplace avec prudence, provoquant malgré tout, quelques ondes. Elles déplacent mon travail. Je rectifie, prends les photos nécessaires. C'est terminé. Je pense aux miens. Ils sont si loin. Je suis seul. Je quitte les es lieux. Demain, je serai à la Pointe du Hoc, non loin d'Omaha Beach,avec d'autres souvenirs inscrits dans des histoires de pierres, cette fois.


Roger Dautais

P.S. Dans la page précédente du Chemin des Grands Jardins, Nancy Medina, artiste Américaine, habitant le Texas, m'a demandé de lui présenter des installations à base de coquelicots. Je lui dédie bien volontiers, la publication des deux dernières photos ( déjà présentées sur mon blog).








à la femme que j'aime...


Le temps s'égoutte et les mots me manquent pour dire l'absence. Je garderai le secret souvenir du jour où la lumière m'aura quittée. La nuit est une autre raison, une autre musique, un cri. Au travers des champs labourés, je compterai mes pas sans espoir d'arriver seulement à te revoir. Pieds nus, boueux, cheveux et dos mouillés par une pluie d'orage, je te chercherai, fragile,les yeux blancs de larmes. Quel chien saura me tirer de là, quel hurlement déchirera les ténèbres, quel espoir succèdera au naufrage ?
Ici, les nuages se mêlent aux beaux souvenirs et le vent emporte mes lambeaux de peau.Ici, je ne suis qu' épeurissat* à peine évité par les oiseaux. Tu tremblais de vivre et je te donnais ma force. Tu es passée au-dessus de la vague. Je ne sens plus ton odeur de battante depuis que tu es devenue, oiseau.Je rentre en glèbe et j'attends que tes mains me pétrissent. Reste ici, près de moi, nous marcherons ensemble. Prête-moi tes yeux, guide moi jusqu'à l'au-delà. L'aulne vert frémit sans doute et je n'entends plus le froissement de ses feuilles, cette musique intime. Je ne vois plus les ondulations de la rivière, ni ces joncs dont mes mains fabriquaient de minuscules embarcations. L'enfance est revenue habiter mes vieilles années. J'imagine bien le bleu du ciel après la pluie et le vol du héron dans les marais. Mais le ciel s'est noirci et les Pléïades ont disparu à tout jamais avec mon père. Je quitte le pays pour une vie entière. Il faudrait mille funérailles et deux mètres de bonne terre pour enfouir l'avenir.Le meilleur des bûchers ne suffirait même pas à la crémation. Le tambour du monde s'est remis à battre la chamade en secret.
Je sens la vie reprendre et les chemins s'ouvrir. Nos avenirs sont déjà inscrits dans les sables, contre vents et marées. L'illusion d'une vie caduque, la fuite des empreintes à peine posées sur les premiers nuages venus, le chant du coq et trois sorts jetés au premier qui passe n'arrêteront jamais le cours des choses.
J'aimais t'aimer, c'est entendu et l'histoire nous emporte au delà de nous. Donne moi ta main, l'histoire continue bien plus loin qu'ici, mon oiseau.

Roger Dautais

* épeurissat : nom de patois Gallo(romain) employé dans la région de Saint-Brieuc, Côtes d'Armor, pour désigner l'épouvantail à moineaux.

samedi 21 août 2010











à Marie-Claude...





Ce n'est pas difficile de faire un nid. Je pense, tout d'abord, qu'il faut être un peu, oiseau. Ensuite, il faut en avoir envie. Il faut du temps pour trouver un lieu qui plaise, planté de petits arbustes rabougris avec pas mal de branches mortes en dessous. C'est ce que j'avais réuni comme conditions, ce jour de tempête, après m'être mis à l'abri du vent, dans une pinède maritime de la côte de Nacre.
Je me suis mis au travail avec plaisir, assemblant les premières branches en leur donnant une sorte de mouvement tournant et, petit à petit, le nid a pris forme en s'épaississant. Je me suis dit que garnir le fond serait plus confortable pour les futurs habitants et c'est ce que j'ai fait. J'ai tapissé le fond avec de la mousse verte, légèrement jaunie , que j'ai saupoudré de quelques poignées de lichen, lichen, légèrement écrasées dans ma main qui lui ont donné une couleur acceptable.Je n'avais pas d'œufs sous la main. J'ai trouvé sur le sol, trois coquilles d'escargots vides et blanchies par les embruns et l'air salin. Je les ai déposées sur le fond du nid. Cela donnait bien l'idée d'œufs d'oiseau, enfin, suffisamment pour me satisfaire. D'ailleurs, en m'éloignant, je pensais à ce nid et j'y pense encore en écrivant ces lignes. Peut-être que ces coquilles ont fini par se transformer en œuf. Qui sait ? Et puis, la suite de l'histoire...Va savoir ?
Le vent du Nord-Est soufflait beaucoup trop pour envisager de travailler sur la côte et j'entendais le boucan d'enfer me né par la mer qui assenait ses coups de boutoir sur les sables de la grande plage, vague après vague. J'ai laissé le nid vivre sa vie de nid puis j'ai pris, plein Est, me dirigeant vers l'autre bout de la pinède, en traversant les dunes de sables plantées d'oyats, pour rejoindre un bouquet de pins, juchés sur une hauteur, prenant les rafales de vent, ce qui faisait plier leurs cimes. C'est au pied de l'un d'eux que j'ai trouvé cette branche morte. Elle devait être là depuis longtemps car son cœur étai éclaté, offrant à la vue, une plaie béante, d'un brun-marron.
J'ai tout de suite vu l'association vie-mort. Le cycle naturel de la nature, de la superbe fièrement dégagée par ces arbres dans le vent jusqu'au délitement du bois qui donnerait bientôt une couche de plus à l'humus. Je me suis penché pour toucher cette matière en décomposition.C'était doux comme du velours. Je me suis dit : je vais faire un carré. Cette forme géométrique me sert à rasembler des matériaux ou des végétaux et à les présenter en jouant sur la forme, les textures, les couleurs;
Je prends toujours beaucoup de plaisir à réaliser mes installations. Elles ont le don de faire disparaître en moi, le stress quasi permanent dont je m'encombre dans la vie. Les gestes répétés, la réflexion sur la forme qu'elles prennent, sur les asemblages de couleurs, la cueillette des végétaux, mon dialogue avec les pierres, et le rapport que tout ce travail entretient avec le paysage et la nature en général, me calme et m'amène à connaitre de plus en plus, des instants de sérénité.
J'ai donc installé ce carré au cœur brun-rouge, puis je l'ai entouré de deux rangs de pommes de pin, déjà un peu patinées par les intempéries. Je vous avoue que le fait de perdre la vue, en ce moment pour cause de cataracte, me donne sans la rechercher," une vision de peintre" : on dira, une vision complètement floue. J'apprenais à cligner des yeux, avec notre professeur de peinture,lorsque j'étais jeune étudiant, aux Beaux Arts, en Bretagne. Cela nous aidait à comprendre "les passages de couleurs et de lumière dans un tableau.
Plus besoin de cette gymnastique, le flou est permanent, à cette période de ma vie. Il m'a semblé, ce jour là, voir les pommes de pin, colorées d'un gris-bleu des plus subtils, tandis que la mer continuait sont tintamarre assourdissant à quelques deux cents mètres de là, au Nord de ce carré.
Lorsque je pratique le land art, je pense souvent à elle qui m'attend à la maison et je l'appelle au téléphone:
- Allo ?
- Devine qui c'est ?
- C'est toi...
- Tu m'as reconnu ?
- Oui, bien sûr.

C'est un jeu entre nous. C'est plus fort que moi, il faut que je lui raconte. Après, je retourne à mon travail, avant de rentrer.Il y en a qui prétendent que je perd mon temps pendant que eux, les spécialistes de l'art, ils devisent et refont le monde devant leurs beaux ordinateurs. Tout le monde ne peut pas être théoricien et puis, c'est bien aussi, de pratiquer un art qui ne ressemble pas aux autres. Je me dis qu'il n'y a pas de raison que cela se termine,tant qu'il y a de la vie et de l'amour entre Marie-Claude et moi, en attendant le petit tas de cendres


Roger Dautais






Fables.


Tu as ramené une petite chatte,
Parfois elle court pour disparaitre,
Pas sûre que la vie
La tienne dans la main.

D-un bond, et le reflet de la balle
s'échappe de la balle.
Qui joue vraiment joue à côté.

Au bout du petit visage surgit
Même les yeux clos,
Et le monde nous en jette,
En jette par milliers.

Les rue sont profondément dehors, toutes,
Quand le silence des chats n'est que solitude.
Je tremble si je ne t'avais pas.

Les mots, les phrases, cela rassure les incertains.
Ces algues bougent à la surface mais sont tenues
Où on ne voit rien.

La chatte me regarde pour que je sache :
" tu es là ou tu n'es pas là ? "


Ariane Dreyfus





UNE ERREUR DE MISE EN PAGE M'A OBLIGE REPRENDRE TOUT LE TRAVAIL :PHOTOS ET ÉCRITURE DU TEXTE,
J'AI PERDU LES COMMENTAIRES DE
MANUE
NEFERTITI
OLIVIA
ET THIGE, ayant malgré tout réussi à les recopier je les publierai demain. Je leur demande de bien vouloir m'en excuser.

Roger

dimanche 15 août 2010










To the little black cat...


Il y a des jours où, croire à l'enchantement du monde, devient très difficile. Je prends alors la route avec l'idée d'y réussir à ma façon.



Tu te laisses prendre par le calme apparent de l'étang qui noie les poissons comme la parole d'évangile sortie des lèvres d'un pasteur, noie les foules idolâtres, autour de lui, sous un chapiteau bondé.
Les sagittaires fleurissent mauve. Est-ce par liberté ou pour reproduire à leur façon le chant muet des couleurs du monde?
Si je deviens aveugle, il me restera au moins en mémoire ce spectacle, si un ami veut encore bien m'amener dans ces lieux pour les toucher.Qui sera le plus perdant des deux ? L'aveugle au bord de l'étang écoutant l'ami lui parler du mauve des sagittaires ou la foule assemblée, regardant s'agiter le pasteur bedonnant, dans son beau costume de cérémonie, entre deux mauvais guitaristes ?
Quel est ce cirque auquel ne participent jamais les oiseaux, si ce n'est le notre ? Le grand melting-pot, l'immense bordel à ciel ouvert où chacun de nous fourmille parmi ses semblables, à la recherche d'un possible alibi, d'un passe temps avant de trépasser.
L'eau courante d'un ruisseau alimente et tient à niveau cet étang artificiel, sur le bord duquel je me suis arrêté, après une promenade à vélo, en compagnie de ma chienne fidèle, Morgane la Bretonne.
L'autre rive du ruisseau, je peux l'atteindre d'un saut, avec élan. Un peu comme si je prenais de l'avance sur ce qui m'attend, de l'autre côté du miroir. Nous sommes le 18 juillet 1999. L'armada du siècle descend la scène de Rouen au Havre devant des millions de personnes. Des spectateurs que nous avons décidé de ne pas rejoindre. M.C.et moi, n'aimons pas la foule.
Ici, petit ruisseau, petit débit, chant intime de l'eau, étang tranquille.
Là -bas, le fleuve large, gros débit, chants de marins et fiers trois mats. Éloge de la force et de la puissance, avec la mer au bout qui les attend pour les règlements de compte.
Sur les quais, des femmes promises à l'abandon, en larmes que d'autre hommes restés à terre, sècheront, perpétuant la vie des ports.
Deux façons de vivre sa vie , fluviale ou maritime. Mille façons de la voir, d'en prendre plein la vue ou de chercher le calme. C'est une question de choix. Pour moi, ce matin, ce sera le mauve des sagittaires.


Roger Dautais





à Marie-Claude...



Dans l'arrière pays de tes pensées profondes, coule l'eau en lacets, au gré des amours défaites. Filantes,les étoiles, dans tes cheveux épais, longs et noirs de jais, que jamais je n'aurai voulu abandonner pour caresser un autre corps, une autre vie. Mais je savais qu'un jour ne voulait pas dire, l'éternité. L'union de nos corps emportait l'âme et la raison dans un flot , rouge de colère, jusque après le dernier baiser. Signature de fer, brûlure au creux du ventre. Entre nous, les entrailles pendantes, l'agonie des nuits blanches.
Cavale, Jusqu'au rien. Jusqu'à l'infime raideur de ces corps défaits, en morgue. De tes cheveux épars, attendent le départ des étoiles filantes...Des rivières en eaux, des roseaux,coupés puis assemblés, en barque, afin d'y déposer ton corps. Je de viens alors, navigateur solitaire en partance pour l'arrière pays de tes pensées.

Roger Dautais




Ni étrangers ni goy ni gadgé ni horsain. Rien. Rien qu'un petit tas de cendres, futures poussières entremêlées de larles, au pire, d'oubli, au mieux. Qui ne saurait plus dire ici ou là ou peut-être bien , là. Présence fugace de l'image d'antan, vite oubliée dans les vins rouges et rosés servis à la régalade, bus debout, face au large, face à l'éternelle question : qui fait pousser les feuilles d'érable au Canada et les dépose sur le sable des plages, rejetés par la mer?
Hiver, printemps, unis dans cette poignée de poussière,homme et femme, pareils, sans sexe ni repos, sans couleurs ni regrets.
Une seconde, la proie des flots, puis la petite flottaison, juste pour que la raison s'imagine être la plus forte et après, l'étalement, l'ondulante descente dans les abîmes, comme un dernier coït.
Ni étranger, ni goy, ni gadgé, ni horsain, rien qu'une vague...Nous deux, mon amour.


Roger Dautais


Ces trois textes ont été écrits pendant l'été 1999, lors de sorties land art.

mardi 10 août 2010













Les exilés...

à Youenn Gwernig



Je n'ai pas attendu que la nuit vienne, que les étoiles s'allument avec mon feu de solitude, pour chevaucher ma cavale blanche et retrouver mes rêves. Ils sont venus en plein jour. J'ai emprunté les chemins creux, ceux qui déshabillent les racines des chênes et nous apprennent comment ça fait de respirer sous terre. Je me suis approché des eaux dormantes et j'ai posé dessus des radeaux improbables, avec des cargaisons secrètes. J'ai relevé les traces des sangliers, suivi leur route à travers les maïs mouillés de rosée, débouché dans les friches en lisière de forêts et convoqué mes morts. Il aurait mieux fallu parler aux oiseaux, mieux les écouter dans le silence pour mieux les comprendre. Mais le temps me pressait parfois. J'ai traversé des rivières à gué pour connaitre l'autre rive, celle dont on rêve, parfois, sans espoir de retour. J'ai descendu des fleuves, emporté par l'envie d'aller plus loin. Pris de somnolence, j'ai voyagé en dormant, assoupi dans les gravières, pour ne pas perdre une seconde du spectacle de ces corps charriés par leurs eaux tumultueuses.
Sur les grèves gelées, mes pas ont glissé, sont devenus hésitants mais ce n'est pas l'aurore qui aurait stoppé cette marche dans le vent glacé qui rend morveux. Il me fallait passer au-delà, découvrir la mer dans les brumes, écouter le cri des mouettes perdues, entendre le râle des disparus en mer se fondre dans celui des cornes de brume.
Le mauvais alcool m'éclatait la tête et mes yeux se brouillaient devant la danse du feu de camp. Je n'ai pas voulu attendre que les cendres soient froides avant de repartir escalader les pentes dangereuses des falaises. La vie était en bascule, constamment jouée, déjouée, rejouée. La vie était aussi un piège dont il fallait me tirer pour inventer l'avenir..
Je n'ai attendu ni le jour ni la nuit. Je suis rentré dans le temps de hors, celui des exilés,
des " loin de tout".
Oh ! Ne cherchez pas mon pays, il n'existe presque plus hors de moi. Je m'approche de l'indicible, du grand silence blanc, de la trace presque effacée, du souvenir. J'entre dans le temps et la nature m'appelle. Il faudra des paroles de vent, des marches immobiles, des musiques de sourd pour me nourrir. Il faudra que je te rencontre à nouveau, que je croise tes yeux bleus, pour sombrer encore une fois. Il faudra tout oublier et partir sans idée de retour. Il faudra que l'un rejoigne l'autre et traverse le miroir à son tour. Nous marchons depuis si longtemps ensemble, femme des bons et mauvais jours, qu'ils ne comprennent pas nos tempêtes. Nos inquiétudes sont celles des vieux amants. Il faudrait disparaître ensemble, mais avant vivre l'amour jusqu'à l'usure comme un roc à la mer, n'est pas écrit. Il faudrait à nouveau questionner...
Mais je ne sais plus lire dans les tarots ni dans le marc de café. Les intersignes me parviennent à n'en savoir que faire. Le monde change et me pose des questions sans se soucier. Je deviens cendre. J'arpente la dernière ligne droite.
Hier, j'ai laissé quatre cœurs sur les quais de Lorient. C'était les retrouvailles. La Bretagne me chavire comme à chaque fois. Il devrait être là, le vieux Youenn...Mais il est là, mon vieux, tiens, je te laisse le lire...

Roger Dautais








PELL PELL


Pell,pell a karfen mont
lec'h n'eus trouz na safar
Ul lec'hig sioul e traon ar stêr
e frond ar foenn hag ar vent gouez
pell, pell e karfen mont
da vro ma yaouankiz.

Pell, pelle a karfen mont
dieub ha dibreder
onijal 'vel ur valafenn
e douster avelig an hanv
pell, pell e karfen mont
da vro ma yaouankiz.

Pell, pell e karfen mont
eürus ha disammet
d'en em gavout gant ma zud kozh
e lec'hioù diharz o ene
pell, pell e karfen mont
da vro ma yaouankiz



Youenne Gwernig 1994


Au retour d'un voyage à Lorient, en Bretagne, j'ai décidé de dédier cette nouvelle page du Chemin des Grands Jardins , au poète Breton Youenn Gwernig et à ses descendants. J'y présente une série de travaux sur l'exil ( les 3 premières photos) réalisés la semaine dernière sur la Côte de Nacre, En Normandie.

Roger Dautais

mercredi 4 août 2010











Mes petits bonheurs.




Le ciel est menaçant. Je viens de terminer la cueillette des fleurs qui me seront nécessaires, dans un terrain vague situé en pleine ville. Elles sont ainsi, les villes, qui bâtissent, démolissent, évoluent et laissent de larges friches qui s'offrent à moi pour des installations éphémères. D'ici, je vois passer les bateaux qui sortent de l'écluse d'accès au port. Je marche à l'affût d'un endroit qui m'inspirerait et je trouve une tache rouge de brique pilée qui fera l'affaire. Je commence par installer une spirale de baies rouges, entourée à gauche par du lierre et à droit par un semais de fleurs mauves cueillies sur un buddleïa, le fameux arbre aux papillons. Au passage" j'épingle" une de ses fleurs avec des graines de coquelicot.
Les nuages s'accumulent au-dessus de ma tête. Je suis en immersion dans les bruits de la ville, murmure et bruits de klaxon qui s'échappent des rues avoisinantes où les voitures circulent. Pourtant, je suis seul au beau milieu de cette friche. No man' s land que personne ne franchira, le temps de ma présence, ici. Intéressant comme situation à condition qu'elle ne s'éternise pas.
Je termine ma spirale et monte sur les restes d'une très large dalle en béton armé qui devait recouvrir le sol et recevoir des bâtiments. Elle a échappé aux démolisseurs. Devant moi, dans cette dalle, un rectangle en creux d'un mètre par vingt cinq centimètre et de quinze centimètres de fond, dans le quel est posé un morceau de bois vermoulu. Ce trou devait très probablement recevoir l'un des piliers des hangars qui existaient ici, avant la démolition. On dirait une petite tombe, où bien encore, un totem que je vais orner. Ce travail est très intéressant. Il me permet de lier le passé de cette zone portuaire aux essences de fleurs présentes, qui poussent et colonisent ce terrain vague. Je termine le tout par un entourages en éclats de pierre de Caen.
Je réalise ensuite une composition dans un cercle avec des buddléïas ( non montrée, ici). Il commence à pleuvoir. Après cette période de sècheresse, je revois la pluie avec plaisir. Je retrouve mes souvenirs de jardiniers que je partageais avec mon père, sans craindre l'averse quand il fallait terminer un travail.
Je commence à élever un cairn qui sera mon dernier travail car la fin de journée s'annonce. Je reviendrai demain matin pour le terminer.
Dans ce long chemin parcouru à pratiquer le land art depuis tant d'années, je m'efforce de m'inscrire dans l'oubli de mes travaux passés. Je ne voudrai comme référence que l'instant du travail. Mais la raison s'envole et le rêve devient, réalité. Je sais bien qu'il y a plus de passé accompli que de futur à parcourir. Il y a tant de choses vécues et la solitude a tendance à faire remonter tout cela. Oublier est impossible.
" Tiens, je me souviens, dans ce petit parc aux bambous, les bancs étaient tous vides, ce jour là et j'avais amené avec moi quelques globes récupérés dans l'éclairage urbain que la ville avait changé. La lumière était particulièrement douce sur le tas de sable, un peu dorée. Je suis sûr que vous avez déjà vu ça, une lumière dorée. Et j'avais posé tout simplement ce globe diaphane sur le sable puis posé en travers, des sarments de branches de cornouiller rouge, en travers. Cela m'avait suffi pour y voir le monde, la planète. Rien que ça...et j'en avait ressenti un vrai bonheur.
C'est rare les journées où tout se passe bien. En début d'après -midi, je rejoignais cette friche lorsque j'ai rencontré une poule d'eau, écrasée au beau milieu de la route. Impossible de m'arrêter avec la circulation. J'ai regretté de ne pas l'avoir enterrée plus dignement. C'est si triste, un oiseau mort.


Roger Dautais








Tu te caches parmi les ruines de l'eau.
*


Je te suis
au-delà des autoroutes
de l'autre côté
des cartes routières.
Je lis ton nom
dans les passeports
à l'encre invisible.
Je t'entends dans le silence
au milieu de la respiration des horloges.
si je t'oublie lorsque les gens
clouent des pankakes aux sols
mettent le feu aux maisons de poupées
& égorgent les rivières avec des matelas
je me souviens de toi, parce que
les sternes migrant trois semaines
peuvent dormir dans les airs
& le requin doit bouger pour respirer
je veux te donner l'or de mon esprit
& l'argent de mes cuisses
c'est lorsque le hibou
dans mon crâne se réveille & s'étire
après des rêves qui ne se
dissolvent pas dans la lumière du soleil
c'est le corbeau
rapportant une bague égaré
c'est la colombe retournant à l'arche
c'est ce qu'ils
ont peint sur le mur des grottes
l'estomac en plomb de la naissance
l'engin de lumière dans un battement de cœur.


Tom Cusson ( poète Américain de la Beat Beneration )

*" You Hide among ruins of water "



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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.