La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 10 mars 2010



à Raymond A.
aux siens, disparus tragiquement

à Roselyne Bosch, pour son film" La Rafle"




La fille de moi...


Ils m'avaient dit : " votre fille est trop prolixe...réduisez...réduisez et nous publierons. Elle en était arrivée là, lorsqu'ils l'ont arrêtée. Réduire était son obsession d'écrivain. Ils l'ont emmenée à Beaune la Rolande. Au départ du camp pour l'autre, le 20 décembre 1942, elle ne pesait plus que 38 kilos, déjà atteinte par la peste brune. Ils ont fait le reste...elle ne reviendra plus.Je me la représente avec son matricule 634542 et son étoile de ficelle que je lui avait offerte pour l'avoir toujours sur elle, pliée dans sa poche, afin de la reproduire ailleurs et penser à moi. Vivante, aujourd'hui, elle aurait suivi la voie ferrée avec moi.Elle aurait dit, comme autrefois: carré, cercle, angle, trois. Nous aurions ri, ensemble et tracé le carré, le cercle, l'angle, avec les pierres blanches du ballast puis déposé trois autres pierres blanches, comme signe de passage.
Sa boucle de ceinture, un quignon de pain au barbelé, une pierre déposée sur l'aiguillage, voilà ce qu'il me reste d'elle, voilà ce qu'ils ont fait d'elle, les réducteurs de rêve.


Roger Dautais

" La fille de moi" Récit de fiction





Il y a cinq ans, en plein hiver, je longeais cette voie ferré, pratiquement désaffectée, lorsque me sont remontés des souvenirs de marche, identiques, accompagnés de ma file Fanny, en Bretagne. Nous aimions fabriquer ces figures géométriques, entrer dans ce rituel, devenant ritournelle et repartir à l'aventure. Trente ans plus tard, toujours attiré par ces voies ferrés, je n'ai jamais réussi à me débarrasser de ces images de trains emportant les déportes vers leur sinistre destin. C'est sans doute, pour conjurer cette peur que je m'arrête et fabrique de petites installations éphémères, marquant mon passage. J'ai pratiquement écrit ce court texte présenté, ci-dessus, in situ. Quelques temps après cette création filmée, et présentée ici, je rencontrais Raymond A. seul rescapé avec son frère, de toute sa famille ( plus de 40 membres) de la Rafle du Vel' d'Hiv du 16 juillet 1942, dont il est devenu le président National. Je lui ai montré mon travail et nous avons très vite sympathisé. Je vous avais raconté comment, après, il était venu par deux fois, alors que j'évoquais les victimes du 6 juin 1944, sur les plages de Normandie, et ceux de la Shoas, représenter la communauté israélite. Un jour, il me demanda de l'accompagner au cimetière Américain de Colleville sur Mer, non loin de la plage d'Omaha Beach, pour déposer officiellement, pendant la cérémonie du D.Day, la gerbe de son association de mémoire des rescapés de la Rafle duVel 'd'Hiv, ce que j'avais ressenti comme un grand honneur, et une marque de son amitié, et de reconnaissance pour mon travail.
Et puis ce matin, jour de sortie du film La Rafle de Roselyne Bosch, j'étais à installer mes trois petits vidéo et je les mettais en ligne, avant même d'y joindre le texte "La file de moi " arrivait sur mon blog le commentaire d'Epamin.( Je vous laisse le plaisir de le lire).Je me suis dit : "vraiment, elle me connaît bien" et en même temps, j'ai ressenti ce commentaire comme un encouragement à publier ce texte. Il faut savoir qu'à chaque fois que j'évoque la Shoas,sur Le Chemin des Grands Jardins" je ne reçois pas que des encouragement, loin de là, ce qui me vaut, maintenant de prendre quelques précautions.

Roger Dautais


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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.