La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

jeudi 11 novembre 2010












Ne cherchez pas le spectaculaire,
dans mon travail mais plutôt l'émotion vraie...



.../mais le temps qui passe aussi dans ces longues marches d'approche des différents sites, sont devenues partie intégrante de ce processus de création. Par le rythme extérieur imposé au corps, naît un rythme intérieur propre à me libérer l'esprit de toutes tensions, dans un premier temps, puis vient un enchainement d'idées, une volonté de faire corps avec le paysage, le choix de s'arrêter et de dire: "ici", puis d'entreprendre l'installation.
C'est aussi ma façon de " matérialiser" le temps qui passe.
De mes travaux éphémères effectués sur les plages, j'ai souvent l'occasion d'expliquer aux gens les trouvant curieux et inutiles, puisque la marée les effacera, que la mer par son mouvement perpétuel, me prépare des sables vierges pour demain.
C'est une manière d'expliquer que je me situe toujours en de ça de l'œuvre de la nature et qu'abandonner l'idée de possession de l'installation achevée est contenue dans ma philosophie du land art voué à l'éphémère.
C'est pourquoi, je voyage de façon permanente, parfois très loin, même si en règle générale, mon territoire est restreint et proche d'où je me plait à vivre. Il reste suffisamment varié avec des paysages très différents( Plages, enrochements, rivières, fleuve, sous-bois, plaines bocages, carrières, friches industrielles, squats, chemins, terres cultivées, marais, dunes, espaces urbains, squares etc.) de façon à me projeter dans un futur possible à parcourir, plutôt que dans l'abandon, le regret et le replis sur soi.

Il me faut, dans ces expérimentations " tout terrain", travailler les "frontières" de mon imaginaire, comprendre cet appel de l'intérieur de mon être qui me pousse à créer. Ressentir les flux "intérieur-extérieur", être ouvert, perméable aux émotions nées de la marche, du rythme, de l'attente, du paysage, jusqu'à en faire partie, procède de la mise en condition nécessaire pour que jaillisse l'idée d'une nouvelle création.
Actuellement, pour moi, le land art est une nécessite de vie, un art de vie, une façon de vie équilibrante.
Mes forces, mes faiblesses, mes failles, sont confrontées journellement à ces expériences multiples. Dans cette avancée solitaire, je suis souvent découragé, envahi par le doute, mais je reprends goût à la vie dans mes paysages. J'y retrouve la force de créer. Cela me prouve, pour l'instant, que ma place est là et non entre les quatre murs de mon atelier.
Je n'imaginerai pas cette activité me coupant du monde, surtout en ces années difficiles, et c'est dans ce monde dont je fais parti que je nourris mes créations.
Par cet art, établir des passerelles avec des gens en difficulté, cassés par la vie, prisonniers, brisés dans leur élan vital, malades très âgés, est un des prolongements possibles et naturels de mon activité.
C'est leur apporter du rêve, parfois, leur proposer une autre vision du monde, différente de celle si souvent offerte: " un vaste super-marché ou un champ de bataille". C'est tenter d'amorcer un dialogue en leur laissant le libre choix de prendre ou de laisser.../


Roger Dautais






Carnet de route

Bien se garder
D'ouvrir les yeux
Et devenir sourd
Au chant des sirènes
Avant que d'embraquer
Dans un rêve
Majeur.

Ici, commence l'interdit
Ici, ma route
De pierres
Et de limons
De cris
Et d'abandons
De bras lascifs
Et de mémoire
Amnésique...
Ici, quelques traces
Et là, une ombre
Encore une parole
Et je viens.

Elle m'attend,
Cette fin
Commedia del'Arte
Fin du spectacle
Demain
Sera
Le néant.
Bien se garder
d'ouvrir les yeux,Devenir sourd au chant des sirènes
Et rejoindre mon destin, sans regret.



An Eostig


***



Fruits secs

à Serge Cornillet



Elle était assise et cassait des noix sur le pas de la porte. Ses doigts fins et graciles portaient à sa bouche de petits cerneaux gris qu'elle croquait, gourmande, en jetant un regard sombre vers la rue des Trois Frères. Sous une jupe de lin rouge et fendue très haut, deux jambes, longues et blanches s'accrochaient au sol comme un compas de maître d'école. De l'autre côté de la rue, je la dévorais des yeux et rêvais de devenir élève pour apprendre la géométrie de son corps parfait.
Mais bien qu'elle fût, comme toutes les femmes, très intuitive, ayant probablement découvert mes envies adolescentes, elle ne me prêta, ni son attention, ni son compas qu'elle qu'elle gardait pour ses clients et je dus me contenter de rêver en la voyant déambuler sur le trottoir, grignottant des fruits secs pour attendre ses habitués et garder la ligne qui lui permettait de les ferrer comme des gardons.
Plus tard, lorsque je devins adulte, je repassais rue des Trois Frères et demandais de ses nouvelles. Toutes ces dames connaissaient Mado et sa triste fin. Par respect pour son souvenir, je me jurais de ne jamais mettre les pieds dans son ancien bordel, et de m'asseoir sur le pas d'une porte pour déguster des noix.


Roger Dautais


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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.