La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

vendredi 18 février 2011















à Raymond Anisten, mon ami..
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C'est vivre et cesser de vivre qui sont des solutions imaginaires. L'existence est ailleurs.
André Breton



Si tu savais comme tu me manques, l'ami Raymond. Par ces jours de tempête et de lumière, j'aurai voulu que tu me raconta encore une fois ta vie. Tu savais si bien le faire. J'aurai voulu entendre ta voix, non pas comme au temps des courses folles dans les rues de Paris, non pas dans les cris , les hurlements et les aboiements de chiens policiers qui hantaient tes nuits, soixante dix ans après le drame, non pas dans les larmes de ta mère, ni de tes oncles, ni de tes tantes, ni de tes cousins, ni de tes cousines. Trente huit, tu répétais, trente huit, pfffft...partis en fumée.
J'ai vu tes larmes couler sur la plage d'Omaha Beach et la mémoire du sable en est à jamais emprunte.
Tu m'aurais raconté la rafle du Vel'd'hiv du 16 juillet 1942, la façon dont tu t'en étais échappé avec ton frère. Tu en riais encore de la farce faite aux bons gendarmes qui gardaient les moutons en route vers l'abattoir, l'holocauste, le mot qu'il ne fallait pas prononcer devant certains journalistes de la presse, ayant horreur des gros mots. Et toi, tu me disais, écris Roger, écris leurs noms dans les sables de Omaha Beach, Omaha la sanglante .
Le land art, tu ne connaissais pas et tu découvrais que tout art est porteur de message si c'est l'intention de l'artiste. Nous avions filmé, déjà. Tu te rends compte, moi qui ne sortait pas de l'IDEC. Et puis voila qu'aujourd'hui j'avais présenté un film dont nous avions parlé ensemble, deux ans avant ta mort : LA MÉMOIRE AMNÉSIQUE. Voilà que le film avait du succès, moi qui ne sortais pas de l'IDEC, trublion de la réalisation. J'aurai voulu que tu sois là, avec Jeanine à cette avant-première donnée à l'Amphi Pierre Daure de l'Université de Caen. J'aurai voulu te donner l'accolade fraternelle devant les 450 spectateurs, comme au bon temps, lorsque tu venais à mes expositions de photos,ou lorsque tu étais présent pour mes performances de Land Art avec mon groupe international PLAGES DE LIBERTÉ.
Tu leur aurait dit, toi, mon Raymond, mon frère, que je n'avais pas la grosse tête ,à tous ces faux modestes qui ne se réjouissent que des pâles succès. Des vrais masochistes de la création. Tu leur aurait dit que dans mon atelier d'art-thérapie, juif ou arabe, catholique, protestant, libre penseur, atteints par la maladie d'Alzheimer, ils étaient tous , mes patients, avant tout, respectables, respectés, jusqu'à la fin de leurs jours. Tu leur aurait dit que mon atelier ne conduisait pas des innocents dans les fours crématoires d'Auschwitz, par soucis d'eugénisme,mais que certains, de mes patients âgées de 85 ans et plus étaient toujours hantés par les horreurs de la guerre. Tu leur aurait dit que la promotion de mon film à la télé, dans les radios, et les médias, ce n'était pas pour attraper le melon, la grosse tête comme me disent ces aigris. Tu leur aurait dit comment Papa était mort le 15 février 2011, qu'ils avaient oublié, mais pas moi.Tu leur aurait dis, mon Raymond, touchez pas à Roger, c'est mon frère et puis...et puis, on aurait été boire un coup à leur santé, c'est çà la santé de la vie, à la santé de Jeannine et de Marie-Claude, d'Odette et Jacques, de Jean-Pierre et Mireille, de Lucien et Moïse, de Théo et Suzanne. Ma famille, celle qui dérange.
Bien sûr, tu n'es plus là. Tu es sur le chemin des étoile, celles qui embêtent le petit archi, tu sais, celui qui me demande toujours si je suis juif ?
ça m'a fait du bien de te parler et de t'écrire, mon Raymond. Sûr que le 25 février 2011 , dans la salle de cinéma du Cabieu de Ouistreham, lorsque nous présenterons notre film LA MÉMOIRE AMNÉSIQUE, à quelques centaines de mètres de mon atelier d'art-thérapie de la Maison de Retraite Rivabel'Âge, tu seras dans la salle, assis entre Marie-Claude et moi, parce qu'ils ne peuvent plus t'arracher de notre cœur et que dans mon porte-feuille, j'ai la carte de membre de l'association des enfants et petits enfants rescapés de la rafle du Vel'd'hiv, avec ta dernière signature , avant que tu ne sois mort,avant que tu ne sois parti retrouver les tiens, les trente huit membres de ta famille, raflés et passés aux fours crématoires nazi, les "éparpillés dans le vent". Pour moi, être artiste, c'est porter cette mémoire en moi, jusqu'à la fin du parcours et témoigner, témoigner que je suis ton ami, au-delà de la mort.

Roger Dautais




Texte de présentation de mon travail de landartiste sur le PORTAIL DU LAND ART( google)

Adepte de l'expression minimaliste, parce qu'elle me convient, j'ai choisi le Land Art, depuis dix ans, comme mode d'expression principal et complémentaire à l'écriture. Dans ma pratique journalière, devenir sculpteur d'éphémère, c'est réaliser, rêve après rêve, une rencontre au "coeur à coeur" avec la Nature. C'est au milieu des éléments, parfois éprouvants, qui la constituent que je trouve, l'équilibre et matière à nourrir mon imaginaire. J'arrive, ainsi, à faire prendre le relais de la parole et des mots dans la création d'une installation silencieuse et muette. C'est ma façon d'honorer cette Nature, si mal en point, d'y vivre malgré tout, en osmose avec elle. J'essaie de faire partager cette passion en rencontrant des publics divers, sans oublier ceux pour lesquels, privés de liberté ou de moyens, l'art devient médiation, autre façon d'approche singulière, lien d'humanité, tout simplement.

LE VOYAGE DE LA SPHERE

Délaissant, pour une fois, mes espaces maritimes favoris, qui se prêtent aux grandes installations, je me suis lancé dans un voyage de compagnonnage d'une année, avec une sphère végétale de ma création. Réalisée en coudrier, en aulne et en osier, je lui trouvais une telle énergie contenue dans ses courbes que l'idée me vînt de l'engager dans une route, une sorte de voyage initiatique, qui lui ferait connaître les quatre saisons et représenterait sa vie. Nous avons réalisé ce rêve, parcourant bois et forêts, mais aussi, la campagne, remontant les berges d'un fleuve, descendant les ruisseaux, arpentant les plages, sous la neige et par tous les temps. Cette sphère aura été le fil conducteur d'un voyage réalisé dans un carré de 30 kilomètres de côté. J'ai vu cette sphère, se modifier d'aspect au fil des saisons, alors que je l'habillais de couleurs locales. Je la trouvais "magique" et "magnétique " à la fois, cette compagne solitaire, qui me suivait à la rencontre du monde. Puis, considérant sa vie terminée, je l'ai brûlée le long du fleuve, avant d'y répandre ces cendres. Depuis, j'ai souvent raconté le Voyage de la Sphère, estimant que cette oeuvre éphémère englobait, la fabrication, le voyage, et l'évocation de sa mémoire. Roger Dautais

En Normandie, le 14 juin 2009



UCCELLI


Un soffio di vento

sruzzava

gocce d'inchiostro

ucelli vagabondi

sulla pergamena gialla

comme me immobile

del deserto.


(Alveare di specchi)


Les oiseaux

Un souffle de vent

aspergeait en nuées

de gouttelettes d'encre

telles des oiseaux vagabonds,

ce parchemin jauni

comme moi immobile

qu'était le désert.


Gina Labriola

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Qui êtes-vous ?

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.