La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

jeudi 6 février 2014

Toute une vie de chat et plus : pour Maé
Apaiser  l'esprit des eaux : pour Marie-Claude
Kerpenhir : spirale  pour Maé ( phase II )
Un  monde  à  part : pour Béatriz Cunha

La résistance au nombre : Pour Serge Thébault
Le chant des cupules : Pour Albane Gellé
Le passé simple : pour Chrys
Terre inondée : pour Gérard Bonemaison
Partition  pour un merle  moqueur : à Ana Minguez Corella
 Epidemic dream : pour Erin
Voisinage : pour Lucas Moreno
L'orange bleue : Cécilia
Côté face : pour Denise Scaramai




 Parenthèse


Il  pleut sur Kerpenhir. Encore  une fois, l'océan va se déchaîner quoiqu'on  fasse. Une nouvelle tempête est annoncée  pour cette nuit. Est-ce  une raison  pour en vouloir  à la  mer ? Non. Enfiler  une paire de bottes, mettre un ciré, marcher sous la  pluie, je sais faire. Travailler sous des trombes d'eau, subir les rafales du vent qui ne permettent  aucun travail, c'est douloureux. J'ai  pourtant, pendant ces quinze  jours derniers, j'ai trouvé de rares éclaircies pour réaliser quelques installations land art, malgré une santé  encore moyenne.
Ce  jour  là, il fait relativement beau sur la côte et  pourtant Maé vit ses dernières heures. Je décide de créer une spirale qui portera son  nom. Il  me reste presque deux heures avant la marée haute. Je débarrasse les sables de gros paquets de  goémon qui ralentiraient  ma progression dans son  tracé. Malgré les grosses pluies de la nuit dernière,malgré la tempête, les vagues, le fort coefficient de marée, le sable est relativement souple et se travaille  très bien. J'ai bien en tête, le rythme  à suivre, celui de ma respiration, la profondeur du sillon  à tracer,  l'écartement entre les tours.  La plage est en pente. Je connais cette difficulté qui  va me ralentir en  montant et accélérer en descendant. Il faut adopter une vitesse  moyenne si  je veux une spirale parfaite, car chaque changement de rythme se ressent et se voit. Ainsi, dans la partie basse, je dois assurer le volume du sillon en  renvoyant le sable sur la gauche  avec la pointe du pied tandis que le talon creuse. C'est  le mouvement le plus difficile  à coordonner. Lorsque je reprends mon souffle, je suis parfois, face au large,  parfois, face  à Kerpenhir et Port-Navalo. Le lieu est d'une beauté  à couper le souffle. Il est  parfait pour ce  dernier hommage  à Maé.
Les vagues s'allongent et livrent  des algues fraîches aux courlis qui sont  à la fête et trouvent leur  pitance, assez  facilement. J'aime cette compagnie des oiseaux de  mer quand ceux-ci m'adoptent et m'autorisent  à les côtoyer.
Alors que  je débarrasse le bas de la spirale de trop gros tas de  goémon,  dos  à la mer, une vague  plus forte que les autres, fait une avancée de cinq  mètres et je me retrouve dans  l'eau jusqu' aux genoux. Je pense  : bien  joué. Ce n'est pas très chaud mais ça sèche.
Le soleil fait une très belle apparition  pour saluer  mon travail et je le remercie. Je peux  maintenant reprendre la route.

à Marie-Claude

. La vie s'écoule et s'inscrire dans les silences, les respirations du temps,  l'oubli, n'est pas chose facile.
Dans nos galères, nous avons attendu en vain, les autres saisons, celles qui manquaient, qui se faisaient porteuses d'espoir. Mais rien n'a jamais  pu arrêter la vie.
Un  jour, je trouvais qu'il  manquait  une couleur  à ta voix, un autre jour, le bleu de tes yeux virait au gris. Pourtant, avec tout ce que je n'étais pas, toutes mes imperfections, je n'ai jamais désespéré ni douté, te retrouver, à chacun de mes départs.La Nature me parlait de toi,  me ramenait  à toi, dans ses  moindres détails.
Je pense  l'avoir déjà écrit, la solitude habitée, n'est pas  pour arranger les choses. La gamberge ne s'arrête  pas. Aucune thérapie ne peut l'éradiquer. La progression d'aujourd'hui se fait avec des souvenirs de hauts  murs, de cris entendus, de descente aux enfers qui émergent  dans les moments les  plus inattendus. Cauchemars aux mains de noyés agrippant l'air,  puis  m'empoignant pour me faire sombrer avec eux.
Pour tenter de  m'éloigner de ces zones sombres, je me lance dans la cueillette de hampes de fougères, afin de compléter  ma collection de Décembre dernier. Autant à cette époque, du côté des dolmens de Crucuno, du Mané Cro'h, du Mané Braz, elles étaient de couleur orangé, autant maintenant, vers Kerplouz ou Baden, elles ont viré  au brun, parfois, à l'acajou, quand ce n'est pas noir.Elles sont devenues  plus fragiles mais tellement belles. Je récupère aussi, en chemin des baies de cotonéaster, et quelques boules rouges sur les ruscus, aux feuilles  toujours aussi  piquants. Ce travail  prend du temps, mais me permet d’écouter le chant des oiseaux,  moins fréquent en hiver.
C'est avec toute cette récolte que je  pars en installations dans les petits étangs de Goëtazouz et Kergroix. Tout est plus compliqué, car le vent tombe rarement et je dois trouver des endroits abrités. Mais quel  bonheur lorsque j'arrive à stabiliser ces petites installations,  à capter  un  morceau de ciel dans ces fenêtres de l'entre-deux mondes, accompagné par le chant d'un merle qui me rappelle aussitôt, la présence de  mon  père. J'avais aimé partager avec  lui, ce travail de la terre,  l’horticulture, la précision des séances de semis, de repiquage, de rempotage. Comment ne pas l'associer, depuis qu'il n'est plus,  à tous ces gestes, ces postures d'un corps  vieillissant, penché sur la terre, avant de la rejoindre  à son tour ? Il  n'y a rien de triste dans cette démarche et ces  moments de création sont au contraire d'une vraie  joie, exprimée avec le peu, mais dans la  plus grande  intensité, sans autre besoin.
Je ne sais pas si cela peut se partager. Je ne crois pas.
L'essentiel  n'est pas dans le détail de chaque travail,  il est bien dans l'inscription à  long terme et dans cette envie de vivre ainsi,  loin du tumulte.
J'ai rejoint le silence,  mon silence. J'attends le prochain départ, avec le désir d'oublier tout ce que je sais du land art, tout ce que j'ai déjà fait ,avec l'intention de laisser la Nature  me proposer, d'autres pistes, d'autres inspirations.
Probablement, je vous en  montrerai quelques  unes, si tout se passe bien. Enfant, j'aimais  l'école buissonnière. je n'ai pas beaucoup changé.

Roger Dautais



Noyau central

Lorsque les mots parviennent  à leur sommet
Ils  ont déjà brûlé
Le texte s'écrit
Dans les  ponces et les basaltes
Je ne sais  rien e ce que je suis
Je ne connais que les scories
Où va le doigt sur le chemin des signes
Obstinée à la phrase
Puisatier du verbe
Je n'ai de  lien qu'avec  l'opaque

Consumée- c'est toi qui  portes le feu.

Claude LOUIS-COMBET

"Petite géologie du cœur " in Le Petit Œuvre Poétique.

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.