La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 9 juillet 2014

Le bambocheur de Ty Bihan   :   pour Ana Minguez Corella

Peace and  love  :  pour Lu Pélieu
An diveliour  :  pour Serge Thébault
Le déserteur : pour Guy Allix
Identité :  pour Isabella Kramer
Limès  : Pour Anne Lemaître
Chantier Atlantique, carré 29  :  pour Christian Cottard
Cri du cœur :  pour Ambre
Scarface :  pour Camino Roque
Vies parallèles : pour Marie-Josée Christien
Brasil :  pour Inês
Cairn du 71ème été  :  pour Marie-Claude
Le drôle :  Pour Bob Bushell

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas

Jours...

Un discret voileux remonte la pente sous les châtaigner,  un bout dans une main  une godille dans l'autre. On se salue. Sur ma droite, la source de Kernours et le souvenir carré couvert de lentilles vertes, ça me rappelle Patrick. Magnétisme de  l'amitié. J'arrive à découvert, face  à la ria,  gorgée d'eau jusqu'à la gueule.Je laisse  à gauche le chemin de Tintin qui a passé l'arme  à gauche mais reste vivant par le vouloir de ses  potes qui lui  ont offert une pancarte, pour baliser son chemin, sa cabane. Je remonte la ria vers le Bono.
Dans la grande courbe, je descends sur les roches. Tout est glissant depuis les deux jours d'averse passés. Les varechs  en ont pourri sur place. Je cherche  mon équilibre et manque tomber plusieurs fois  à la baille.
Je  lève mon  premier cairn depuis 10 jours,  puis  un autre. Patraque, enfumé par le beau temps piégeux et caniculaire, le cœur n'a pas aimé. Ont suivi de sérieuses  pluies réduisant mon activité à presque rien. Pas très glorieux tout  ça. Mais ce grand rien faire laisse  place  à un travail  en profondeur. La jachère finira bien par lâcher quelques idées d'échappée.Nous y sommes.

Autre jour

Je fais le tour du cumulus de Kernours.et remonte plein Nord. L'herbe est grasse, glissante, comme les pierres au bord de  l'eau. J’aperçois le tumulus, les tombelles. Ici c'est toute la forêt de  pins maritimes qui vibre sous la mémoire du sol. Je suis reçu en ami. Les corps, les os réduits en  poussière du temps, colorent cette atmosphère  à tout jamais. Chacun de mes pas foule l'ancêtre et se nourrit de sa mémoire.. J'arrive  à la pierre fendue. Combien de cairns  y ai-je élevé ? Tous  ont subit le  même sort : bousculés, renversés, éparpillés par des inconnus. A chaque passage,chaque retour au lieu, je répète  mon geste : hommage minéral aux deux entités présentes : la mort qui règne en silence et la vie qui passe et  perpétue les vibrations.

Autre jour...
Je suis  oisif et contemple ces rares moments de calme posés sur la surface  lisse de  l'étang,  à deux pas des alignements de Kermario  à Carnac. Les   pépites argentée du soleil annoncent l'heure qui décline. Je veux aller  plus  loin, jusqu'au bord du silence qui séduit, enchante et que jamais  l'idée d'abandonner la partie, contre le vacarme des hommes cupides, n'atteint.

Autre jour...

Le ciel s'assombrit au dessus de la forêt de Crac'h. Je cherche ma route. De grosses  gouttes de pluies tombent sur ma carte IGN. Je relève ma route mentalement. A  l'orée du bois, je remarque la trace fraîche d'un animal dans l'herbe  mouillée et j'aime  l'idée de lui emboîter le pas. Elle traverse  l'espace vide et se dirige vers un talus planté de chênes. Dans  une autre saison, les akènes auraient poussé leur cri carminé et je les aurait ramassées dans ma besace. Certaines  ont donné la vie  à des petits chênes, les autres sont mortes.
Je suis surpris par une idée récurrente. La mort est  inévitable et se rapproche. 
Tenter d'aménager le temps qui  m'est  imparti. 
Essayer d'oublier. Beaucoup oublier. 
Chronos.

Autre jour...

L'exacte direction  à prendre n'existe pas  pour  moi. Il  y a trop d'attirances opposées dans la nature. L'important, c'est de partir, de voyager  léger. La route se chargera de la direction. Ce matin, j'ai joué le cap  à suivre aux dés, comme le faisait Morhaïm pour choisir ses couleurs sur sa toile. Mondrian  n'était pas  loin.A chacun ses influences.
J’établis la règle du jeu : un seul dé. Premier jet  choisir entre le Nord et le Sud
1 = Nord    2 = Sud    3 rejouer
Je jette le dé :  2   Premier choix :SUD
                                                      Deuxième  choix  entre Est et Ouest
4 = Est    5 = Ouest   6 rejouer
Je lance le dé  6 
 je rejoue : 5  Ouest
                         Deuxième choix OUEST
Puis avec  une  pièce tirer à pile  ou face  Pile = Sud et  Face : Ouest
Je lance la  pièce. Elle retombe sur pile . Je pars donc en direction du Sud

Autre jour...

Je roule vers l'océan et bientôt,je le retrouve avec gourmandise et appétit.Grand soleil, mais vent  d’ouest de 30 nœud ,  à  peine modéré par la presqu'île de Quiberon qui abrite un peu les plages de Carnac. Mes yeux se remplissent de vagues, de scintillement argentés et du chant des vagues qui  lèchent la côte.Il faut prendre quelque précaution  , car  même avec  l'habitude,  on peut se faire déséquilibrer par une rafale et la chute  n'est jamais  bonne dans les cailloux. Des voix sont là qui  m'accompagnent, non  pas en cellule de dégrisement, mais sur la route des étoiles de mer : Jégou, Thomassaint, Gwernig, Pélieu. Pas de  place  pour les vivants autre que moi, ici. L'autre  monde est au balcon, comme  un avertissement et mène une sarabande d'enfer. Une série de cairns fuse de mes mains. Le vent me suit et les cabane au fur et à mesure. Je m'en fout.
J'ai le rythme, convalescent, certes  mais présent.
 Chaque  pierre  est une impro, chaque cairn  un poème.
Dans  mon rêve éveillé, je vos passer au large, Ikaria . Je le suis des yeux avant qu'il ne disparaisse, emportant Jégou à la barre, en plein coup de gueule.  -" Eh ! Tu crois pas que je vais repasser deux fois pour me foutre dans les cailloux. Ouvre tes quinquets ! ". Et il me balance deux  poèmes par-dessus bord dans son sillage.
Le soleil  me brûle la gueule et j'ai le dos brisé par l'effort. Il faut que je rentre retrouver celle que  j'aime et qui  m'attend au pays.



Roger Dautais


loin dans  l'aube
sous le soleil
déjà  bien cramoisi
j'ai fait le choix
il était temps d'y penser
l'horizon fuyant
le ciel  la mer
corps  à corps exténuant
l'océan rebelle
les vagues démesurées
la solitude
et puis la solitude
et enfin 
la solitude

***

je vertige
immobile dans le râtelier de bruine
les sémaphores s'agitent
la nuit survente
poussière liquide des parois  bleues
les goélands filtrent des souffrances ancestrales
la mort ventriloque la falaise
nuit d'Arvor à l'abordage du silence épais
des villes et du vide
un discours d'ondes sur les  lèvres.


Alain Jégou

Comme du  vivant d'écume
Éditions La Digitale 1995

 http://alainjegou.blogspot.fr/
 http://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_J%C3%A9gou

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.